Orang asli : sur les traces des peuples des origines

ForWeavers, dans la poursuite de sa mission de sauvegarde des Patrimoines Immatériels de l’Humanité, vous offre une rencontre avec des communautés autochtones issues du monde entier, dont la culture matérielle et immatérielle tend à disparaitre. Nos textes ont pour but d’amplifier la voix de ces communautés, tout en brisant l’image d’Épinal, le personnage du « bon sauvage » en terre inconnu que l’on voit trop souvent. Orang Asil part sur les traces de ces peuples des origines pour transmettre la beauté de leur tradition non pas selon nos codes, mais une beauté qui leur est propre définie en leurs termes

Pourquoi ce titre ? 

Vous demandez sûrement pourquoi avoir choisi le balinais (langue de l’île de Bali en Indonésie) pour intituler notre série. Orang Asli signifie « peuple des origines » : ce sont ces populations, ces hommes et femmes qui ont participé à la construction d’un territoire dès l’origine, qui ont foulé les premiers le sol d’un espace donné. Ils ont formé des communautés de tailles variées et ont souffert des conflits hégémoniques.  Ces peuples des origines ont développé un patrimoine matériel et immatériel qui ont été mis en branle par les lissages culturels imposés par des populations plus fortes qu’eux. Le but n’est pas de pointer du doigt ce lissage en lui-même, mais de montrer en quoi cette pluralité de traditions culturelles a contribué au patrimoine immatériel et l’influence d’un pays. 

Nous utiliserons également le terme de peuple autochtone, reconnu par la communauté scientifique et diplomatique française pour traiter de ces sujets. Selon l’ICRA, « Les peuples autochtones sont les descendants des premiers habitants des terres sur lesquelles ils vivent ». Groupes socio-culturels distincts, ils représentent 5% de la population mondiale et 15% de la population pauvre au monde. Ces communautés sont maintenant réduites et souffrent du manque de considération de la communauté internationale : il est temps de rendre hommage. 

Qu’en est-il des autres appellations ? 

01 – Primitif, Première nation et Peuple premier

Utilisé en période coloniale, ce terme a conservé sa connotation péjorative. En art, le galeriste Jacques Kerchache dans les années, 1970 nous avions troqué primitif pour « arts premiers » afin d’atténuer cette vision coloniale. Toutefois cette expression reste empreinte d’une conception évolutionniste et ethnocentrique des sociétés humaines, opposant l’art occidental pour le fruit d’un aboutissement à un art qui reste fondamentalement archaïque, non évoluée. Ce terme généralise cet art de l’Autre, de tout ce qui n’est ni européen, ni jugé à la hauteur de l’Art qui s’est imposé comme officiel. Or, toute tradition, culture et forme de patrimoine immatériel évolue de sa propre matière, s’adapte à son environnement pour prendre des formes que les peuples qui les pratiquent trouvent abouti.  Ces termes induisent que le syncrétisme de tradition des primitifs avec celles de colons permet de « moderniser » les pratiques culturelles, les élever à leur niveau. Ces deux termes sont donc à mettre de côté. Concernant les oeuvres d’art, il est en notre sens plus juste de qualifier les objets d’étude issu de ces cultures comme des outils ou objets ethnographiques car la notion d’art n’est pas uniforme et diffère selon les pays : ce que l’on considère comme objet d’art en Occident, digne d’être exposés en musée, a une définition toute autre pour les cultures d’origine. Ainsi, le terme d’objet ethnographique permet de prendre cet élément comme un outil d’analyse d’une culture considéré pour elle-même et mis par la suite en parallèle avec un objet similaire d’un autre environnement. Pour FORWEAVERS, tout objet est rare, le geste et les traditions qui se cachent derrière dignes d’être contemplé, admirée, sans hiérarchisation. Le jugement concernant la beauté ou non de celui-ci reste à l’appréciation de la personne qui regarde.

Le terme Peuple premier est largement utilisé dans les pays anglophones, les « First nations » est un synonyme en anglais de « Première nation ». Toutefois ce terme de « Première nation » est connoté (en français) par l’ethnocentrisme européen dans le sens où ces peuples sont premiers aux groupes de colons. Ce terme est souvent utilisé en ethnologie des peuples natifs d’Amérique du Nord. Il nous faut donc un terme englobant toutes les communautés du monde autres que celle qui ont été confronté au système colonial de l’Europe. 

02 – Peuple Racine

Peuple racine est un concept initié par les anthropologues russes. L’idée de racine évoque l’idée d’un ancrage profond à une terre, une région et, par extension, à une culture d’origine, un mode de pensée etc. Cette idée, séduisante par l’image qu’elle fait naitre dans notre esprit, induit l’idée d’évolution, de pousse, de branche qui se déploie, de la même manière que se diffusent les pratiques culturelles. « Peuple racine » désigne donc ces peuples qui étaient là avant la colonisation d’une population de « déracinés » qui se juge elle-même supérieure à la plus petite communauté à laquelle elle fait face. 

J’ai perdu mon parler

J’ai perdu mon parler

Le parler que tu m’as enlevé.

Lorsque j’étais petite fille

Au pensionnat Shubenacadie.

Tu me l’as enlevé :

Je parle comme toi

Je pense comme toi

Je crée comme toi

La balade embrouillée qui est mon monde.

Je parle de deux façons

Des deux façons je dis,

Ta façon est plus puissante.

Si gentiment, je t’offre ma main et je demande,

Permets-moi de trouver mon parler

Afin que je puisse te parler de moi.

Rita Joe, poète et auteure de chansons Mi’kmaw (Canada)

Comment parler plus justement de ces communautés ? 

Autre précaution à avoir : il faut rester attentif à ne pas utiliser les termes créés par les ethnologues européens du passé. Il est préférable d’employer le langage de ces populations, leur demander leur nom, d’écouter l’histoire de cette appellation. On préfèrera Natif américain plutôt qu’Amériendiens, Inuk à Eskimo, Uchinanshu pour désigner les Okinawanais, Yagan pour cette communauté du Chili plutôt d’Indien. 

En effectuant ces recherches sur l’histoire et le patrimoine immatériel des populations autochtones, nous avons souvent rencontré des témoignages contemporains des peuples natifs américains en quête de leur passé et de leur culture effacée par le lissage culturel des colons Européens. Ils font entendre leur voix, font renaitre fièrement des traditions en voie d’extinction voire qui furent interdites au nom du Christianisme. Ce combat touche toutes les populations autochtones au monde et il leur faut une tribune pour faire entendre leur voix. A l’image de l’engagement de l’ICRA, il faut « Agir avec les peuples oubliés ». Il faut agir avec eux et non à leur place afin de rompre avec certaines démarches paternalistes. Il faut accompagner leur développement, les soutenir dans leurs démarches, les écouter pour mieux comprendre et en apprendre sur eux. 

Pour la reconnaissance et le soutien de peuples du monde,

For Ever, FORWEAVERS